Pastis et pastiche ont une étymologie commune, Photo de Vinicius "amnx" Amano sur Unsplash

5 questions étymologiques que je me suis posées ce mois-ci (Vol. I)

Ce nouveau format se veut une cueillette d’étymologies hétéroclites, une petite compilation de fun facts linguistiques.

Cela fait presque un an que je n’ai pas publié sur ce blog et j’ai évidemment cherché à comprendre pourquoi. Il se trouve que l’année 2022 n’a pas été propice aux épiques découvertes étymologiques à l’instar d’un « leporello », mais qu’elle fût riche en pépites de seconde classe. Que cela signifie-t-il ? Pour ces pépites, il n’y a pas de quoi écrire pour chacune un article en trois parties, trois sous-parties et trois sous-sous-parties avec des embranchements à l’infini en Histoire, gastronomie, société, etc., comme c’est le cas pour « en loucedé ». Mais ces curiosités anecdotiques se savourent comme un assortiment de friandises. En l’honneur des étymologies de seconde classe : voici le premier volume des Questions étymologiques que je me suis posées ce mois-ci :

1. Est-ce que l’anglais saloon ne viendrait pas de « salon » ?

En entrant dans mon salon l’autre jour, je me suis demandée pour la première fois de ma vie si l’étymologie du mot anglais saloon ne venait pas du français « salon ».

La réponse est : oui. Maintenant, reste à découvrir comment une pièce à vivre caractérisée par la sérénité d’un canapé et d’une TV a pu donner son nom au lieu de prédilection du chaos des films de cow-boy et du lancer de bouteilles de Whiskey.

D’où m’est venue cette question random ? Aucune idée… Ai-je été influencée par 3 heures de musique country « méditative » le lendemain de la fête nationale des États-Unis ? Peut-être ! (Le groupe s’appelle Watchhouse et il rock le saloon. Enfin, je suis sûrement biaisée, mais écoutez leur titre « Golden Embers », si vous voulez).

Saloon, de « salon » en français, a d’abord eu pour définition en anglais une grande pièce dans la maison, puis son nom fut donné aux salons que l’on trouvait sur les navires type Titanic ainsi que sur les trains à la Orient-Express, pour enfin terminer sa course en pub cow-boy sur le nouveau continent. Quand la langue anglaise emprunte un mot au français, on ne s’ennuie jamais : c’est quand même marrant de voir qu’une salle d’apparat a fini par donner son nom à la guinguette la moins huppée de toute l’Histoire de la restauration.

2. Est-ce que l’étymologie de « gougnafe » est dans le dico ?

Gougnafe est un synonyme populaire de « bon à rien ». Ce n’est pas un mot qu’on emploie tous les jours, à tel point que lorsque je l’ai employé récemment, je me suis demandée d’où il venait. Le suspens était amplifié par la crainte que son étymologie ne figure même pas dans le dictionnaire, ou qu’elle ne se résume à l’impasse « d’origine obscure ».

Gougnafe figure effectivement dans le cnrtl ainsi que dans le Dictionnaire historique de la langue française qui est LA référence. Malheureusement, son origine est… obscure. Mais il y a deux hypothèses ! Soit elle viendrait de gouillafe, variante de goulafre « gouinfre », soit de de gougne (qui a donné gouine « lesbienne ») : la prostituée. Encore une énième désignation pour les travailleuses du sexe, à l’instar de la « grue ».

3. Kesskessé « musagète » et deuzio, d’où ça vient ce machin ?

J’ai croisé l’adjectif musagète dans un livre et je n’avais aucune idée de sa signification. Employé à l’origine en parlant d’Apollon, c’est un adjectif épithète qui signifie « qui conduit les muses ». Apollon est le dieu des Arts et de la musique, et les neuf muses, filles de Zeus associées aux Arts et au savoir, une compagnie toute trouvée. Là, je me suis demandée si musagète était ce qu’on appelle un épithète homérique, c’est-à-dire les adjectifs qu’Homère utilise pour donner des petits précisions sur les divinités, comme l’Aurore aux doigts de rose. Bon en fait, Homère n’a jamais utilisé musagète, ce sont d’autres auteurs qui l’ont attribué au Dieu du soleil et du piano à pouce. On peut donc dire que musagète tombe dans la catégorie plus large des épithètes poétiques.

Big up à Victor Hugo, qui a fait rimer musagète et végète : « À Pise, près de là, Du haut d’une acropole une autre voix parla: − Je suis l’olympien, je suis le musagète; Tout ce qui vit, respire, aime, pense et végète, Végète, pense, vit, aime et respire en moi. » (Hugo, Légende , t.4, 1877, p.511).


Merci de lire Le Détective des Mots

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4. Est-ce que engrais ça viendrait pas d’engraisser ?

Des fois je pense dans ma tête et au milieu d’une de ces phrases silencieuses, un mot banal va soudain devenir étranger, comme quand on répète plein de fois un mot et qu’on a l’impression de ne l’avoir jamais entendu auparavant. C’est comme cela que je me suis demandée si engrais venait d’engraisser. Et bingo, engrais est un déverbal d’engraisser. Déverbal ?

déverbal, n.m. : Ça veut dire qu’un jour on a pris un verbe, par exemple engraisser et snip snip ! on l’a amputé de son suffixe de verbe pour créer un nom commun : engrais. (Glossaire des termes techniques de l’étymologie du Détective des Mots.)

5. Pastis ressemble à pastiche, non ?

Et pour finir le mois de septembre en beauté, j’ai découvert que pastis et pastiche ont la même racine. C’est assez cocasse parce qu’en-dehors des similitudes sonores, un alcool à l’anis et une œuvre dans laquelle un auteur imite le style d’un autre, ce sont deux choses que l’on n’imaginerait pas carrément partager une racine étymologique commune. Contre toute attente, pastis et pastiche viennent tous deux de l’italien pasticcio, littéralement… « pâté », et au sens figuré « méli-mélo, imbroglio ».

Pastis et pastiche ont une étymologie commune, Photo de Vinicius "amnx" Amano sur Unsplash
Pastis et pastiche ont une étymologie commune. Photo de Vinicius « amnx » Amano sur Unsplash

SOURCES

SITES | https://www.etymonline.com/word/saloon | ENGRAIS : Définition de ENGRAIS (cnrtl.fr) | GOUGNAFIER : Définition de GOUGNAFIER (cnrtl.fr) | MUSAGÈTE : Définition de MUSAGÈTE (cnrtl.fr) | musagetes – definition and meaning (wordnik.com) | APOLLO TITLES & EPITHETS – Ancient Greek Religion (theoi.com)

LIVRES | Le Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey, 2019, Le Robert

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