Quel est le rapport entre un cordon bleu et un cordon bleu ? Histoire de l’évolution des sens du mot.

Pourquoi appelle-t-on une bonne cuisinière ou un bon cuisinier, un cordon bleu ? D’où vient cette expression ?

En ces périodes de fêtes qui approchent à grands pas, une question passe sur toutes les lèvres : mais d’où vient donc le nom « cordon bleu » ? (mais si, mais si, toi aussi tu te la posais). Eh bien c’est super marrant. Je parle souvent de ces mots qui se font déformer le sens à grands coups de rouleau à pâtisserie dans la tronche, et les cordons bleus en sont un bel exemple !

Origine du nom de cordon bleu.
Photo de Caroline Attwood sur Unsplash.

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Enfilez vos fraises et vos poulardes, nous allons faire un tour au XVIème siècle ! Nous sommes sous la dynastie des Bourbons, et de leur roi, Bourbon, Vanille Bourbon (ok, il s’appelait Henri III). Notre cher Henri III a créé un ordre de chevalerie pour récompenser ses courtisans les plus riches, les plus fayots, et les plus intéressés. Le tout baptisé avec force modestie « l’Ordre des Chevaliers du Saint-Esprit », et accompagné d’un signe distinctif en mode légion d’honneur, accrochez-vous bien : un ruban bleu avec la croix de Malte dessus !

Fun fact : des ordres de ce type, il en a existé d’autres à cette époque-là, en Europe : l’ordre de l’Éléphant au Danemark et l’ordre des Séraphins en Suède, et mon préféré : l’ordre de la Jarretière en Angleterre (si vous allez au Louvres, j’ai déjà repéré deux tableaux de jeunes rois anglais arborant fièrement leur jarretière, il y en a peut-être d’autres !). Oui, je suis fan d’organisations secrètes et de langages codés.


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Les habitués du blog commencent à en avoir l’habitude, le temps a coulé sous les ponts, et le sens est passé à la moulinette (voir l’éprouvette). Avec les années, porter le cordon bleu est devenu le plus haut insigne possible (après la Révolution française il a été remplacé par la fameuse Légion d’honneur), alors on se mit à appeler les gens des cordons bleus pour dire qu’ils étaient les meilleurs dans leur domaine (c’est une métaphore).

Pour exemple, au XVIIème siècle, le poète Jean Regnault de Segrais (qui est lourdement tombé dans l’oubli depuis), par un fauteuil de l’Académie française alléché, leur tint à peu près ce langage (je reformule) : Et bonjour, Messieurs les académiciens, sans mentir, si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes alors « le cordon bleu des beaux esprits ».

Il n’est pas ici question de flatter leurs talents aux fourneaux, mais bien de leur dire qu’ils sont les plus rapides des flèches intellectuelles du millénaire. Curieusement, il a été élu académicien aussi sec.

C’est seulement au XIXème siècle qu’on a appliqué ce compliment aux cuisinières de talent, et ironie du sort, c’est le seul sens qui nous soit parvenu aujourd’hui (ça et une forme de Schnitzel allemand au fromage).


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Cordon-bleu : étymologie, signification, recette, histoire
Le cordon-bleu était l’insigne de l’Ordre de Chevalier du Saint-Esprit.

Sources

An Utterly Impartial History of Britain, John O’Farrell, 2007
https://www.projet-voltaire.fr/origines/expression-etre-un-cordon-bleu/

image : http://chercheursdeverites.e-monsite.com/blog/des-racines-et-des-lettres/etre-un-cordon-bleu.html

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