Nos traditions de Noël nous sont pour beaucoup venues du Nord de l’Europe. Les marchés de Noël ? Allemagne. Les biscuits de Noël ? Allemagne. Le sapin de Noël ? Lettonie, Estonie ou Alsace allemande, on ne sait pas vraiment, mais c’est au Nord. Alors empaquetez votre brosse à dents et votre dentifrice : nous partons déguster des friandises de Noël du Nord de l’Europe !
Les bredle, biscuits de Noël alsaciens
Première escale sucrée : le Bredle. Ce petit mot du dialecte alsacien désigne les biscuits de Noël, il est parfois orthographié bredele, car plus facile à en deviner la prononciation. La règle veut qu’on l’écrive Bredle, mais pour les dialectes, comme pour toutes langues vivantes, les locuteurs ont une marge de manoeuvre. Le mot alsacien Bredle est, du fait de l’ajout du suffixe -le, le diminutif de Brot, le « pain » en allemand, soit littéralement « petit pain ». Il existe des dizaines de Bredle différents, et on les retrouve également en Allemagne.
On peut ainsi décliner le mot alsacien bredle pour nommer toutes les variantes : Butterbredle (au beurre), Schneebredle (qui imitent la neige), Schwowebredle (souabes), Anisbredle à l’anis). Mes biscuits de Noël préférés sont les étoiles à la cannelle (Zimtsterne), sur lesquels je radote pas mal, donc tous mes proches le savent déjà, huhu.

Les spéculos néerlandais
Passons aux spéculos. Appelés speculaas aux Pays-Bas, ces biscuits aux formes variés et parfumés aux épices sont bien meilleurs que ce qu’une certaine marque au nom de fleur de nénufar ne le laisse penser.
Du latin speculum (le miroir), les motifs des spéculos sont en effet imprimés sur la pâte encore crue avec des moules en bois. Les motifs sont donc inversés de droite à gauche, comme reflétés sur la pâte.
Les épices utilisées dans la recette originelle viennent des quatre coins du monde, dont la noix de muscade, la cardamome, le poivre blanc et le clou de girofle (qui sont en réalité des bourgeons récoltés avant floraison que l’on laisse sécher, le truc de fou) et l’innocente cannelle, qui est en fait une pelure obtenue en raclant l’écorce du cannelier, dont on peut tout manger, de l’écorce aux fleurs en passant par les fruits (diiiingue).
Merci de lire Le Détective des Mots
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Mais comment tout ce beau petit monde s’est retrouvés dans les cuisines amsterdamoises ? Grace au colonialisme, bien sur ! (Oups, j’ai déjà cassé l’ambiance.) Les Pays-Bas, alors appelés république des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas ont eu beaucoup de succès coloniaux en Afrique et en Asie. La France, et ses talents diplomatiques légendaires, abregéait leur nom super classe en « Hollande », l’une de ces sept provinces unies. Osé. Comment se faire des amis géopolotiques pour les nuls, même.
Un peu comme si on appelait l’Allemagne, la Bavière. N’essayez pas, je vous préviens à l’avance, les non-bavarois sont chatouilleux et vous risquez de vous pincer les doigts très fort, haha.
Les Néerlandais ne se sont pas contentés de l’Afrique et de l’Asie et ont accessoirement été les premiers à fonder New York, alors appelée dans un élan d’inspiration indégiable : New Amsterdam. Leur passage vite oublié aux Amériques a quand même eu pour résultat notable la création du Père Noël, s’il-vous-plaît !
Pour en savoir plus : Les origines du Père Noël
Les Belges, voisins des Néerlandais, appréciaient aussi ces petits biscuits épicés, d’ailleurs traditionnellement dégustés non à Noël ou durant l’Avent, mais pour la Saint-Nicolas (si vous avez lu mon article à ce sujet, vous savez déjà que cela revient du pareil au même).
Si on parle de la Belgique, on se doit de parler de Tintin. Et de gaufres. Cet article réussi la périeuse pirouette d’associer les trois dans une même lancée :
À lire aussi : Espèce de moule à gaufres ! Origine et signification de l’insulte favorite du Capitaine Haddock
Et donc, nos Belges ne bénéficiaient pas des tarifs préférentiels de la Compagnie Indienne des Pays-Bas, et adaptèrent la recette à leurs garde-manger, éliminant toutes les épices pour ne garder que le sucre roux. Chez eux, on dit speculoos, et les meilleurs sont chez Maison Dandoy à Bruxelles. J’ai passé quelques mois à Bruxelles, et en plus des meilleures biscuiteries, j’ai glané quelques mots de français belge que vous pouvez découvrir ici.
Le Français belge pour les nuls : Top 9 Mots belges courants à Bruxelles
Je tiens à souligner que les Néerlandais seraient très déçus d’apprendre que les Francais ne connaissent que la version belge des spéculos et pas le speculaas original aux épices. Alors si vous visitez Amsterdam en premier, cherchez la meilleure « speculaaterie » (ndla) de la ville pour moi.
Le gingerbread, le mot qui n’aurait pas du finir ainsi
L’histoire du mot gingerbread est fabuleuse. À mon humble avis, c’est même la pépite au chocolat sur cette enquête étymologique.
Tout commence à la fin du XIIIème siècle : les Anglais découvrirent à ce moment-là les gingembres confits venus de France, dont ils prirent le nom en vieux francais : ginginbrat. Comme à leur habitude, ils en firent leur mot à leur sauce : gingerbrar. Le mot gingibrat vient du bas latin (la langue du peuple romain, et non celle des lettrés comme Cicéron) gingimbratus, qui signifiait « parfumé avec du gingembre ». Dès le XIVème siècle, les Anglais étaient persuadés, à tort, que l’on devait dire gingerBREAD, parce que franchement quel mot fini par BRAR, ma petite dame ?! Cette étymologie folklorique l’emporta sur la forme originelle du mot, gingerbar disparut au profit de gingerbread.
Vous voulez en savoir plus sur l’étymologie ? La boîte à outils vous attend !
Bizarrement, c’est seulement un siècle plus tard, au XVème siècle, que le mot gingerbread en vint à désigner un gâteau sucré au gingembre, et les biscuits Gingerbread-man apparurent bien plus tard, en 1850. Un sens oublié de gingerbread que je trouve génial date de la fin du XVIIIème siècle : une décoration dite gingerbread (adj) désignait une maison dont la décoration était trop chargée. La sorcière d’Hansel et Gretel ne l’aurait certainement pas bien pris !
Bonne pioche ! Cet article est un épisode d’une série sur ce thème !
Christmas Specials
Saison 3 (2020)
D’où viennent le nom de la clémentine et de la mandarine et comment les différencier ?
Saison 2 (2018)
Avent #1 : Origine du mot toboggan
Avent #2 : Les origines du mot « bougie » sont éclairantes (ha, ha !)
Avent #3 : Pourquoi dit-on l’Avent et non l’avant ?
Avent #4 : L’orange a-t-elle donné son nom à la couleur ou vice versa ? Une étymologie.
Saison 1 (2017)
Épisode 1 : D’où viennent les mots Noël, Christmas et Weihnachten ?
Épisode 2 : Les origines des noms du Père Noël à travers le monde, et de son manteau rouge
Voilà, merci d’avoir lu cet article jusqu’au bout, et on se retrouve pour une nouvelle aventure au pays des dictionnaires d’étymologie !
SITES | Querelle linguistique. Bredele, Bredala et autres Bredle (dna.fr) | https://www.etymonline.com/word/gingerbread | Speculaas – Wikipedia, the free encyclopedia | Sapin de Noël : entre histoire et traditions païennes | National Geographic | D’où vient la tradition des marchés de Noël ? | National Geographic | D’où vient le calendrier de l’Avent ? | National Geographic | The differences between speculaas and speculoos (royale.nl) | Guide de récolte de clou de girofle: Apprenez comment récolter des clous de girofle pour l’utilisation de la cuisine – fr.haenselblatt.com | Provinces-Unies — Wikipédia (wikipedia.org)
Toujours aussi fan ! Merci pour cet article qui contient d’autres pépites (haha) sur les plantes/épices comme la cannelle et le clou de girofle. Joyeuses fêtes 🙂
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