Pour la Saint-Valentin, croquons à pleines dents le mystère du chocolat. Quelle est l’origine du mot chocolat ? Que nous raconte son étymologie ? Pourquoi offre-t-on du chocolat à la Saint-Valentin ? Cette enquête étymologique nous emmène là où le chocolat a été dégusté pour la première fois et comment il est passé d’élixir de vie, à une preuve d’amour pour l’être aimé en passant par une potion satanique.
Que vous soyez plus chocolat au lait, noir, à la fleur de sel ou à 97% (respect pour ce dernier), le chocolat est partout autour de nous. Les rayons biscuits et sucreries ont été complètement chocolatés à la manière d’un Augustus Gloop tombé dans le lac en chocolat de Charlie et la Chocolaterie.
D’où vient le mot chocolat ?
Une étymologie incertaine venue du Mexique
D’où vient le mot chocolat ? Comme ses fèves, il a d’abord été importé d’Amérique Centrale. Chocolat vient donc du mot chocoatl en nahuatl — les Nahuatl sont un peuple aztèque de l’actuel Mexique qui cultivait le cacao pour le boire. Tout ce qu’on sait avec assurance sur la signification de chocoatl est que le suffixe -atl veut dire « eau » en Nahuatl. Une piste pour la première partie du mot serait la racine xocalia, qui signifiierait « rendre amer ou acide. » Cela lui siérait bien, car pour celles et ceux qui ont goûté du chocolat à 97%, qu’est-ce que c’est amer, nom d’une pipe !
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Le sens du mot chocolat a changé
Aujourd’hui, on appelle « chocolat » le cacao torréfié et broyé, pour être transformé en pâte plus ou moins sucrée, sous toutes ses formes : pralines, tablettes, &c. Au XVIème siècle, lorsque le chocolat est arrivé des Amériques, « chocolat » désignait uniquement une boisson à base de cacao et d’eau, car c’était la seule forme sous laquelle on le consommait. Du cacao et de l’eau, dites-vous ? Et encore, cette boisson avait une couleur des plus surprenantes !
Le sang de la vie : la recette du chocolat chaud aztèque
Si en Europe, on ne connaît le chocolat que de puis le XVIème siècle, on a retrouvé des traces de la consommation de la boisson chocolatée en Amérique centrale qui remontent jusqu’à au moins 1400 avant Jésus-Christ, soit il y a 3500 ans. La recette et son apparence étaient alors très différentes de ce que l’on connaît aujourd’hui.
Imaginez que votre verre soit rempli d’un liquide épais et rouge comme du sang.
Inattendu, n’est-ce pas ? Boire un chocolat, à l’époque, c’était boire la vie. Ce fascinant breuvage rouge recouvert d’une couche de mousse était parfumé avec des extrats de fleurs locales comme la vanille ou le miel. La coloration rouge était obtenue grâce à une plante, le roucou, et non à la cochenille, comme on aurait pu le croire. Le premier chocolat chaud était donc vegan, et fut un flop complet en arrivant en Europe.
La folle aventure de l’importation du cacao
Les Européens goûtèrent le chocolat, et le détestèrent aussitôt. Le chocolat mis énormément de temps à se faire une place à la table des Européens, et il fallut un sicèle pour voir l’opinion basculer de façon spectaculaire. Comment le chocolat a-t-il traversé l’Océan Atlantique et comment fut-il reçu ?
L’arrivée du chocolat en Espagne
On doit la « découverte » de la boisson chocolatée aztèque à la Conquête espagnole en Amérique du Sud.
Les premiers Espagnols de 1518 (possiblement à 14h, un jeudi) à y tremper les lèvres le recrachèrent aussitôt.
Cette première dégustation équivalait à rencontrer des extraterrestres et à goûter leur Ricorée du matin interstellaire, dont aucun des ingrédients ne vous est connu. Ce devait être une expérience extraordinaire ! Rapportée aux côtés du maïs, de la pomme de terre et de la tomate vers le Vieux Continent, par le conquistador Hernán Cortés, le cacao ne trouva pas son public (la patate non plus d’ailleurs, mais c’est une autre histoire). Il fallut du temps pour que les papilles européennes se laissent séduire par ce breuvage rouge sang à la mousse inhabituelle. Les Aztèques ne verront pas ce succès, exterminés bien avant par les conquistadors.
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On lit partout (PARTOUT !) que le chocolat ne connut le succès qu’après avoir adapté la recette au goût de l’Europe, que ce soient grâce aux religieuses d’Oaxaca, à l’addition de sucre ou de vanille ou à la soustraction de la mousse. D’après Marcy Norton, Professeur agrégée d’Histoire à l’Université de Pennsylvania, c’est l’effet du temps (200 ans, quand même !) et le fait que le colonialisme fonctionne de telle sorte qu’il finit par absorber les us et coutumes des colonisés. Et aussi le fait que ni thé, ni café n’étaient encore connus et que pour avoir sa dose de caféine, il n’y avait que le chocolat chaud !

Le chocolat fait son entrée à la cour de France
Lorsque l’infante Marie Thérèse d’Espagne arriva à la cour de France en 1660 après avoir épousé le roi Louis XIV, elle apporta dans ses valises de quoi préparer du chocolat chaud. Timidement, le breuvage se fit une place dans le milieu aristocratique européen.
Parallèlement, le chocolat a été rapporté d’Espagne et du Portugal vers Bayonne par les juifs fuyant l’Espagne et le Portugal. Pourquoi fuyaient-ils ? L’Espagne en 1492 et le Portugal en 1536 avaient tout deux décrétés que les juifs devaient quitter le pays dans une atmosphère antisémite — que l’on retrouve également sous le français Richard Coeur de Lion qui mit les mêmes mesures en place dans le royaume d’Angleterre l’une des deux fois où il y mit les pieds.
Bayonne est encore de nos jours une ville célèbre pour ses chocolatiers, et ce, grâce aux juifs qui rapportèrent le cacao et leur savoir-faire, avant d’être prestement interdits d’exercer ce métier.
Les médecins, prêtres et érudits européens se crêpaient la moustache pour savoir si boire trop de chocolat était nocif pour la santé, et s’il était autorisé d’en consommer pendant le Carême.
Leurs réserves finirent par s’envoler, au point que l’on peut dire qu’ils firent volte-face, retournèrent leur veste, se sont faits retourner comme des crêpes. Sous la Régence (1715-1723), le chocolat connut enfin un essor grâce aux propriétés médicinales qu’on lui attribua — de soupe infecte, le chocolat devint le dernier remède à la mode.
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Le chocolat de santé
Un monde où l’on se faisait prescrire du chocolat ? Oui, ça a existé !
Alors que Louis XV était trop jeune pour gouverner, sous la Régence, le chocolat était utilisé comme fortifiant, le chocolat chaud était consommé enrichi avec des jaunes d’oeufs et un grand verre d’eau pour compenser son côté indigeste, il était indiqué pour les personnes affaiblies et les vieillards et contre bien d’autres affections, comme en témoigne cet extrait d’un traité de pharmacie :
Il est « bon restaurant, rappelle les forces abattues, excite la vigueur, résiste à la malignité des humeurs, fortifie l’estomac, le cerveau et les autres parties vitales, adoucit les sérosités trop acres, excite la digestion, abat les fumées du vin ». — Le Traité universel des drogues simples de Nicolas Lémery, 1732
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C’est à cette époque que le chocolat gagna son autre sens de pâte chocolatée, et plus seulement de chocolat chaud. Dans les pharmacies et les hôpitaux, on trouvait des pots en faïence où l’on pouvait lire « chocolat de santé ». La recette en était très simple : du cacao, du sucre et des aromates.
Déjà au XVIIIème siècle la propriété la plus débattue et fantasmée était son pouvoir aphrodisiaque.
Le chocolat est-il aphrodisiaque ?
On va la faire courte : la réponse est non.
Les molécules qui procurent cet effet sont trop peu présentes pour qu’elles se fassent sentir. Mais alors d’où vient la légende que le chocolat est un philtre d’amour ?
Les maîtresses de Louis XV (quand il est devenu assez âgé pour en avoir) sont connues pour avoir mangé du chocolat afin de satisfaire leur amant. S’étaient-elles complètement trompé ?
Ce qu’elles consommaient avait bien un pouvoir aphrodisiaque, mais cela tient aux ingrédients accompagnant le chocolat ! Elles le prenaient mélangé à du musc et de l’ambre, qui eux ont un effet aphrodisiaque bien connu. Cela peut expliquer la réputation du chocolat de pouvoir booster les appétits charnels.
Si vous songiez à acheter du chocolat à votre moitié pour ses effets aphrodisiaques, il ne vous reste qu’à retrouver la recette des maîtresses de Louis XV !
Autant vous dire que lorsque la rumeur parvint aux oreilles des prêtres, ça ne leur a pas plus du tout. Le chocolat fut immédiatement mis à l’index et les religieux n’eurent d’autre choix que de se priver de chocolat, ou, on imagine, de le manger en cachette, comme des jeunes filles après le couvre-feu de leur école privée.
Tu ne mangeras point de chocolat ! — citation apocryphe
Après son introduction en France, le chocolat a été placé au rang de panacée par la médecine et de péché de luxure par l’Église. Aujourd’hui simple aliment, il est toujours reconnu pour ses propriétés dynamisantes et antidépressives, même s’il est accusé à tort de provoquer acné, migraine, crise de foie et allergie. Alors que le chocolat n’a pas d’effet aphrodisiaque avéré, pourquoi est-il devenu la friandise phare de la fête des amoureux ?
Pourquoi mange-t-on du chocolat à la Saint-Valentin ?
Je parle d’un temps que les jeunes ne connaissent pas, où l’on ne s’offrait pour la Saint-Valentin ni fleur, ni cartes, ni fleurs… ni chocolat.
Les traditions que nous connaissont se sont installées au cours du XIXème siècle, d’abord en Angleterre, puis aux États-Unis. Tout cela grâce à une succession de success stories de firmes, l’une pour les cartes de Saint-Valentin (les « Valentines », comme elles sont appelées dans le monde anglophone, sont des cartes que l’on envoie pour déclarer sa flamme, notamment chez les adolescents), une autre pour les bonbons en forme de coeur avec des inscriptions romantiques, en vogue outre-atlantique, et enfin, une pour le chocolat. Cardbury, pilier du chocolat anglais, a réussi du jour au lendemain à inscrire le chocolat parmi ces traditions grâce à l’introduction en 1861 de la première boîte en forme de coeur. Le succès fut au rendez-vous et bientôt toutes les autres firmes du chocolat se lancèrent à leur tour.
Les mille et une variations du chocolat chaud par les grands chefs français
Depuis, la recette a été déclinée à l’infini : vanille, noisette, crème de marron, soupes de grué, framboise, cannelle — de Cyril Lignac à Pierre Hermé, tous les chefs se sont adonné à l’exercice de style de réinventer la boisson des Aztèques.
2 faits étonnants sur le chocolat
- le mot chocolat vient de chocoatl en Nahuatl, une langue aztèque parlée en Amérique centrale jusqu’au XVème siècle
- jusqu’au XVIIème siècle, le chocolat ne désignait que la boisson, au départ à l’eau colorée en rouge chez les Aztèques
Sources
LIVRES | Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey, Dictionnaires Le Robert, 2019 | Sacred Gifts, Profane, Pleasures: A History of Tobacco and Chocolate in the Atlantic World, Mary Norton , 2008
RECHERCHE | Norton, M. (2006). Tasting Empire: Chocolate and the European Internalization of Mesoamerican Aesthetics. The American Historical Review, 111(3), 660-691. doi:10.1086/ahr.111.3.660
SITES | https://www.cnrtl.fr/definition/theobroma | https://www.atlasobscura.com/articles/who-invented-hot-chocolate | https://www.atlasobscura.com/articles/were-there-witchhunts-in-south-america | https://www.courrierinternational.com/article/2014/07/31/bayonne-par-ou-le-chocolat-est-arrive | https://fr.wikipedia.org/wiki/Théobromine#:~:text=La | https://www.mentalfloss.com/article/616377/why-we-give-chocolate-for-valentines-day | https://www.lexpress.fr/styles/saveurs/recettes-de-chocolat-chaud_1494848.html