livre à l'encre noir ouvert sur un bureau en bois

Origine du mot grimoire ou comment la grammaire, c’est de la sorcellerie ! (Halloween Special !)

D’où viennent les mots grammaire et grimoire ? Pourquoi se ressemblent-t-ils autant ? Frissons étymologiques garantis !

Il n’y a rien de plus palpitant, de plus ensorcelant, même, que la grammaire, non ?

Non. On est bien d’accord.

Et pourtant, « grammaire » et « grimoire » ont un point commun, ce qui augmente l’attrait du mot grammaire de 280% d’un coup.

Un ancêtre étymologique commun bien lointain et que l’on n’imaginerait pas, vu comme la première s’est colletiné les règles d’accord bien ennuyeuses, tandis que la deuxième se pavane avec les ongles vernis de noir et se targue d’enseigner sortilèges et potions mystifiants.


À ce sujet : Les étymologies des mots nightmare et cauchemar viennent d’un mauvais rêve commun


Origine du mot grimoire

J’ai longtemps étudié mon dictionnaire d’étymologie, et je devais être fatiguée, car j’ai relu quinze fois la ligne sans réussir à comprendre ce que je lisais (ou alors mon dictionnaire a été tenté de m’hypnotiser, et ma foi, il a presque réussi).


Merci de lire Le Détective des Mots

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Le mot grimoire est apparu au XIVe siècle, où il s’écrivait grymoire. Il désignait un livre de sortilèges. Ce qui est très intéressant, c’est que grymoire est une déformation de gramaire, mot qui voulait dire livre de magie entre 1165 et le XIVe siècle avant de disparaître. Au moyen-âge, gramaire désignait spécifiquement la grammaire en latin, soit les règles correctes pour rédiger le latin. Comme déjà à l’époque la grammaire latine était impanable pour les gens, ils l’ont traitée de recueils de magie incompréhensible, et le mot a fini par prendre ce sens.

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Le mot grimoire vient du mot grammaire ! Image libre de droit par Natalia Y pour Unsplash.com.

Grimoire et diable : lié jusque dans les lettres

Parallèlement, depuis le XIIe siècle, « grammaire » avec deux « M » désigne l’étude de la langue correcte, tout ce qu’il y a de plus moldus, donc.

Comment notre innocent gramaire (avec un seul « M », le livre de sort), est-il devenu « grimoire », d’où vient ce « I » ? Pourquoi cette fin en -oire ? Qu’a-t-il bien pu lui arriver ?

Il a rencontré le Diable !

Enfin, le mot médiéval pour le la patte du diable : grimer (griffer), qui a donné grimaud, un nom malheureusement oublié (hormis un clin d’œil discret dans la saga Harry Potter) qui désignait le diable. Il était d’ailleurs également appelé le griffu, avec ses pattes crochues et monstrueuses.


À ce propos : De Square Grimmauld à Grimmaurd : une lettre change toute la signification !


Du fait de l’influence du mot « grimer » (griffer quand on est le diable), gramaire est devenu un mélange de « grimer » et de gramaire, soit grimoire.

Tadam !

Et c’est là que vous pouvez aller visiter Rome de votre salon pour découvrir l’étymologie de « grammaire ». Autrement dit : remontons encore plus loin !

Origine du mot grammaire

Grammaire est un dérivé irrégulier de grammatica en latin, qui été chourré (c’est une manie) aux Grecs de l’Antiquité : grammatikê. Le mot est alors associé à l’idée de savoir et d’érudition, et plus précisément à l’étude du langage correct et la littérature grecque puis latine, quand le mot a pris son petit bateau pour l’Italie.

Références dans la culture populaire

Dans le Livre perdu des sortilèges de Deborah Harkness, les sorcières apprennent la syntaxe pour bien lancer le sort qu’on veut et ne pas cramer la soupe au passage, et cela s’appelle la Grammary. Grammary est la forme écossaise ayant servi à désigner l’acquisition d’un savoir occulte (grammarie en anglo-normand) et a d’ailleurs donné le mot anglais glamour !

Et c’est ainsi que Notre Sorcière Bien Aimée est née, haha !

L’essentiel

  • grimoire vient de grammaire, en passant par gramaire, le livre de sort
  • grimoire a été altéré par l’influence du mot « grimer », griffer.
  • « Grimer » est de la famille des mots comme grimaud, le diable, qui avait des griffes, et que l’on nommait le « griffu »

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Origine du mot grimoire ou comment la grammaire, c’est de la sorcellerie !

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Sources

Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey, Le Robert, 2011
https://www.cnrtl.fr/etymologie/grimoire

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3 réflexions sur “Origine du mot grimoire ou comment la grammaire, c’est de la sorcellerie ! (Halloween Special !)

  1. Hello, super article, ça fait toujours plaisir de recevoir quelque chose pour halloween 🙂
    Du coup j’ai relu beaucoup de tes « spécial halloween » et je suis retombé sur un endroit ou tu énonces le nom complet du chat : felis sylvestris catus, ce qui d’une part m’a fait tilter par rapport à felix le chat, sylvestres dans titi et gros minet, mais aussi m’a fait me demander ce que signifiaient ces trois qualificatifs.
    As-tu la réponse ?

    Aimé par 1 personne

    • Coucou Ruth ! Merci pour ton petit message, je suis ravie que les « Halloween Specials » t’aie plu 🙂
      Les chats les plus célèbres ont pris les meilleurs noms, haha !

      Pour répondre à ta super question (je ne me l’étais jamais posée !), le nom du chat domestique est composé de trois noms savants, deux pour l’espèce et un pour la sous-catégorie. Les deux premiers désignent l’espèce des chats sauvage : le latin « felis » signifie chat et a donné félin en français ; le latin « sylvestris » signifie « de la forêt », ce qui nous donne « chat des forêts ».

      Le dernier terme, « catus » distingue la sous-catégorie des chats domestiques parmi l’espèce des chats sauvages. « Catus » signifie chat en latin (quoiqu’en latin ce soit orthographié « cattus », je ne sais pas comment le nom savant s’est retrouvé avec un seul T).

      A bientôt !

      J’aime

  2. Super article, j’ai adoré ! /o/ Et il y a un autre exemple dans la culture pop : ‘Eragon’, de Christopher Paolini.
    Dans le tome 1, Eragon découvre qu’il est un dragonnier, et peut donc utiliser la magie. Seulement il s’agit d’un art extrêmement délicat et dangereux, car pour créer un sort, il faut puiser dans son énergie vitale. Autrement dit, ceux qui jettent un sort trop compliqué pour eux risquent la mort.
    Pour gérer et contrôler la magie, il faut donc maîtriser l’ancien langage, qui désigne chaque chose existante par son véritable nom, son nom caché. Il y a deux règles essentielles avec l’ancien langage : 1) connaître le nom d’une chose (voire de quelqu’un !) en ancien langage te donne le pouvoir / contrôle dessus (dans les limites de ce que tu peux faire avec ton énergie vitale, bien sûr) – et 2) Il est impossible de mentir en ancien langage.
    Dans le tome 1, Eragon découvre sa nature de dragonnier par hasard et doit fuir très vite (je te passe les détails). Il est accompagné par Brom, qui l’aide à s’enfuir, et le forme à toute vitesse sur les rudiments de la magie et beaucoup d’autres choses. Dans le livre, il est expliqué que normalement une formation de dragonnier prend des années, mais comme ils sont pourchassés, Brom n’a pas le choix et doit trancher constamment sur ce qu’il enseigne à Eragon pour lui permettre de survivre. Notamment, il se contente d’enseigner à Eragon le vocabulaire de l’ancien langage, mais laisse de côté la grammaire.

    Plus loin dans ce tome 1, Eragon est accueilli en héros par une ville de rebelles, et on lui demande de bénir un bébé orphelin, ce qu’il fait, pensant donner comme bénédiction « Que la joie et la chance t’accompagnent, et soient ton bouclier contre la mauvaise fortune. »
    Or dans le tome 2, il trouve un autre maître qui le forme de façon plus complète. Il parle un jour de cette bénédiction, et découvre avec effarement que, comme il ne connaissait pas bien la grammaire de l’ancien langage, sa « bénédiction » veut en fait dire « Que la joie et la chance t’accompagne, et sois un bouclier contre la mauvaise fortune. » Autrement dit, son sort force la fillette à ressentir toutes les douleurs des gens qui l’entourent, et à tenter de tous les protéger.

    Il y a pleins d’autres détails extraordinaires créés par l’auteur par rapport à l’ancien langage. Son histoire est très clairement inspirée par l’œuvre de Tolkien, mais je trouve qu’il a réussit à créer quelque chose de très intéressant rien qu’avec les règles qu’il a édifié par rapport à la magie et à l’ancien langage.

    Aimé par 2 personnes

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